Je me souviens d’un 11 novembre dans la salle à manger de mes grands-parents. Ce jour là, on diffusait à la télévision Les croix de bois, film tiré du roman éponyme de Roland Dorgelès. Ces images fortes, oppressantes, m’ont bouleversé. J’avais une dizaine d’années et c’est une des rares fois, où, en famille, nous avons évoqué mon arrière-grand père maternel. Gazé pendant les combats, il en avait souffert toute sa vie. Au front, il écrivait à sa femme chaque jour mais sa fille, ma grand-mère, a détruit ses lettres avant que je ne puisse les lire. Elle voulait oublier cette période marquée par la misère et les privations.
Des années plus tard, quand j’ai commencé ma série de portraits d'anciens combattants, j’étais fasciné par leurs images, éternellement jeunes dans les albums photos. Ils m’ont parlé comme ils l’auraient fait avec leur petit-fils et leurs récits ont fait écho, je crois, à l’histoire de cet aïeul que j’aurais voulu connaître.